Histoire

Mains d’Œuvres est issu du mouvement de réhabilitation des friches en lieux culturels qui a débuté dans les années 70. Des artistes et autres acteur·ices de la société civile se sont emparé·es des espaces laissés vacants par l’industrie, notamment suite à une délocalisation accrue. D’espaces de production commerciale, ils deviennent des espaces de production artistique. Plusieurs raisons ont mené les artistes à investir ces lieux : besoin d’espace, développer une création non prise en compte par l’institution, et créer un autre espace d’échange avec la ville et ses habitant·es.

L'association Mains d'Œuvres est installée dans un bâtiment de 4000 m², ancien centre social et sportif de l’entreprise Valéo, composé d’un sous-sol, rez-de-chaussée, de 2 étages supérieurs et d’un hangar. Il est installé à Saint-Ouen, dans le quartier des puces qui est une zone dont le patrimoine est protégé.

Ce bâtiment a été construit en 1959 par l’entreprise Ferodo/Valéo pour mettre à disposition un espace convivial et culturel pour ses employé·es.

Après l’aventure de l’Hôpital Ephémère (Hopital Bretonneau), Christophe Pasquet (Usines Ephémères), rejoint par Fazette Bordage (Confort Moderne, Trans Europe Halles) et Valérie Peugeot (Vecam et Europe 99), découvrent en 1998 l'ancien centre social et sportif des usines Valéo.

Après 2 ans de travaux pour offrir des espaces de travail à des artistes, le lieu ouvre au public le 26 janvier 2001. Un grand défi débute alors pour Mains d’Œuvres : financer le lieu avec des subventions publiques et des recettes propres. Mains d’Œuvres développe en effet depuis ses débuts une économie mixte pour permettre à ce projet de se pérenniser.

Le nom Mains d’Œuvres viendra un an plus tard à l’occasion d’une exposition "main d’œuvre" imaginée par 5 artistes de la relève québécoise en collaboration avec quartier éphémère à Montréal.

L'antifolk festival est créé en 2002 à l’initiative de Benoît Rousseau, programmateur de Mains d’Œuvres jusqu’en 2005 et en étroite collaboration avec Herman Düne. Antifolk, comme son nom (ne) l’indique (pas), se consacre au folk, mais aussi au rock et aux débuts de l’électro rock. Après deux éditions Antifolk, il cède la place à Mo’Fo. Un petit festival qui allait devenir grand. et qui mixe aujourd'hui les styles et les univers, avec une volonté d’inclusivité et d’égalité.

Le jour de la fête de la musique en 2010, une partie du bâtiment est ravagée par un incendie qui avait pris naissance dans l’entrepôt d’antiquaire mitoyen. Fort heureusement aucune victime ne fut déplorée, mais beaucoup de dégâts matériels et des pertes d’œuvres pour de nombreux artistes plasticiens en résidence. L’incendie se voyait depuis la place de la Concorde. Une partie du bâtiment devant être rénovée, c’est l’occasion pour Mains d’Œuvres d’inclure les travaux dans sa démarche plus globale de développement durable.

Cet espace donnera naissance à l'actuelle Cour des Myrtilles.

En 2014, l'élection d'un maire UDI à la mairie de Saint-Ouen marque un tournant pour Mains d'Œuvres. La municipalité décide de ne pas renouveler la subvention annuelle de l'association et annonce son intention de récupérer les locaux à la fin du bail, fixé au 31 décembre 2017, pour y installer le conservatoire municipal.

Face à cette décision, la direction de Mains d’Œuvres propose plusieurs pistes de solutions, notamment le rachat des locaux ou une cohabitation avec le futur conservatoire. Parallèlement, l’association reçoit le soutien de personnalités publiques telles que la ministre de la Culture Françoise Nyssen, la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse, et le président du département de Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel. Malgré ces appuis, aucun compromis n’est trouvé, et la situation évolue vers un conflit juridique

En 2017, l'association saisit la justice pour demander le renouvellement de son bail. Le 2 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny condamne l'association à évacuer les lieux, mais celle-ci fait appel. Malgré cet appel en cours, le matin du mardi 8 octobre 2019, et sans attendre la délibération de la cour d'appel prévue le 3 décembre, les occupant·es sont expulsé·es par les forces de l’ordre.
Cet évènement suscite une vive incompréhension et entraîne une mobilisation de la part d’habitant·es et d’artistes, désireux de défendre ce lieu emblématique de la culture à Saint-Ouen.

Le 15 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny annule l’expulsion pour vice de procédure, permettant à Mains d’Œuvres de réintégrer ses locaux pour une durée de 18 mois. Cette décision marque un tournant décisif dans le conflit, bientôt suivi par l’arrivée d’une nouvelle équipe municipale qui scelle la fin des tensions.

Cependant, cette période de transition a été suivie par la crise sanitaire liée à la Covid-19, qui a mis à rude épreuve l’ensemble du secteur culturel. Ces difficultés ont conduit à un renouvellement de direction et d’équipe.

Ce renouveau s’accompagne d’un travail en profondeur pour redonner un nouvel élan à Mains d’Œuvres, notamment à travers des projets de rénovation des espaces et de redéploiement de son projet artistique et citoyen visant à pérenniser ses activités.

Aujourd’hui, Mains d’Œuvres continue de fonctionner grâce à l’engagement constant des membres du conseil d’administration, des bénévoles, des artistes résident·es, des salarié·es et des intermittent·es. Chaque jour, ces acteur·ices se mobilisent ensemble pour maintenir le lieu ouvert et vivant.
Malgré des défis financiers en raison d’un modèle reposant sur un équilibre entre subventions publiques (40%) et ressources propres (60%), les équipes restent déterminées à faire de Mains d’Œuvres un lieu ouvert à toustes et au service du travail des artistes.